Les jardiniers du dimanche pourront continuer à acheter des semences paysannes ou de variétés anciennes à des agriculteurs, pour une consommation personnelle. Une loi récemment parue grave ce droit dans le marbre.
La loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires confirme la possibilité pour les jardiniers amateurs d’acheter des semences paysannes à des producteurs (1). Si cette loi apporte une clarification bienvenue, elle ne change rien dans les faits puisque les particuliers pouvaient déjà acheter ce type de semences en toute légalité depuis 2014.
Sont concernées les variétés appartenant au domaine public, car non protégées par un brevet ou un certificat – donc non inscrites au catalogue officiel chargé de contrôler la qualité des semences (2). Il s’agit souvent de variétés anciennes, mais pas uniquement. Et les semences peuvent être des semences paysannes, c’est-à-dire prélevées dans la récolte d’un paysan, ou produites par un artisan semencier.
Toutefois, « ces échanges ou ventes […] sont limitées à des utilisateurs non professionnels qui ne feront pas une exploitation commerciale de la variété », précise la Direction de l’information légale et administrative (dépendant du Premier ministre) sur son site. Autrement dit, pour une consommation personnelle. Mais il n’est toujours pas question d’autoriser les agriculteurs à acheter ce type de semences à d’autres agriculteurs, pas plus que d’en vendre la récolte dans la plupart des circuits de commercialisation.
Le Réseau semences paysannes signale que cette loi ne concerne que les semences, et que la vente de plants maraîchers de variétés non inscrites au catalogue officiel reste interdite.
Des débouchés différents
Le catalogue officiel répertorie les espèces et variétés cultivées issues de la sélection menée par les entreprises semencières. Ces semences et leur production (issue de leur récolte) sont autorisées à la culture et à la vente en toutes circonstances.
En revanche, si les agriculteurs ont le droit de cultiver les variétés non inscrites, ils ne peuvent vendre les semences par les circuits de commercialisation classiques, qui exigent des variétés inscrites. Pour autant, certains débouchés sont possibles. Ainsi, un paysan-boulanger peut vendre les pains qu’il fabrique à partir des céréales qu’il cultive, inscrites ou non au catalogue officiel.
Plusieurs associations et syndicats, comme Kokopelli et la Confédération paysanne, réclament depuis longtemps la possibilité de vente des semences entre agriculteurs. Ils jugent que le système actuel entraîne une standardisation défavorable à la biodiversité, qu’il consacre la mainmise des multinationales semencières sur ce marché, et la confiscation du vivant par le brevetage.
(1) Elle rétablit l’article 78 de la loi « Équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole » issue des Égalim, qui avait été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel.
(2) Le Catalogue officiel français des espèces et variétés de plantes cultivées, créé en 1932, est sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture. Il permet de clarifier l’offre semencière en garantissant les caractéristiques de la variété enregistrée, ainsi qu’un certain niveau de stabilité génétique et de sécurité sanitaire de la semence.
Elsa Casalegno