Prêts toxiques en francs suisses Helvet Immo : condamnation record pour BNP Paribas
BNP Personal Finance, filiale de BNP Paribas, a été condamnée à verser des dizaines de millions d’euros pour ses pratiques lors de la vente des prêts toxiques en francs suisses Helvet Immo. Fait rare, le juge a décidé de l’exécution provisoire de sa décision avec le « versement des dommages et intérêts alloués » aux victimes et à l’UFC-Que Choisir, partie civile dans le procès.
Non, l’épargnant n’est pas forcément un spéculateur avide qui vient se plaindre lorsque la bourse baisse ! Cette image est celle que la filiale de BNP Paribas aurait souhaité faire croire aux juges du tribunal correctionnel de Paris. Mais ce n’est pas le jugement que ce dernier a retenu dans l’affaire de la vente des prêts en francs suisses Helvet Immo. À travers sa filiale BNP Personal Finance (BNP-PF), le groupe a commercialisé en 2008 et 2009 des crédits immobiliers contractés en francs suisses mais remboursables en euros, en assurant aux emprunteurs que le cours euro/franc suisse était très stable. Résultat, quelque 4 600 emprunteurs ont été pris au piège de la hausse du franc suisse, qui a grimpé de 60 % face à l’euro en cinq ans. Le tribunal vient de condamner lourdement BNP-PF pour « pratiques commerciales trompeuses » et « recel de ce délit ». La banque doit verser de lourds dommages et intérêts aux épargnants (des dizaines de milliers d’euros selon les dossiers) et à trois associations de défense des consommateurs, dont l’UFC-Que Choisir qui s’était portée partie civile dans le procès. La banque dispose d’une dizaine de jours pour faire appel. Une décision de la Cour de cassation dans une affaire proche, concernant cette fois le Crédit agricole, est cependant de bon augure pour les emprunteurs.
TROMPERIE DÉLIBÉRÉE
La tromperie, c’est aussi ce qu’avait courageusement dénoncé Nathalie Chevallier. À l’époque de la commercialisation des prêts, cette dernière est directrice régionale de BNP Personal Finance Île-de-France. Courant 2015, elle accepte de parler aux journalistes puis de témoigner devant la justice. « J’ai alerté ma hiérarchie sur les risques de ce produit, a-t-elle ainsi déclaré le 17 septembre 2015 à la juge d’instruction Claire Thépaut. Résultat, elle subit des pressions de ses chefs pour se taire. Un témoignage qui a sûrement pesé dans la condamnation, hier, de la banque. D’autres documents révélés notamment par Que Choisir ont aussi montré, qu’à l’opposé des discours des commerciaux de BNP-PF aux clients sur la « sécurité » du produit, la banque était parfaitement au courant des risques importants qu’elle leur faisait courir.
INDEMNISATION AU TITRE DE LA DÉFENSE DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL
Ce jugement est emblématique à double titre. Non seulement il reconnaît que les établissements financiers peuvent concevoir des produits en eux-mêmes trompeurs, sans que la bonne foi du particulier soit à rechercher. Ce point est fondamental à l’heure où la finance fait de plus en plus appel à des ingénieurs financiers pour élaborer des produits très complexes où même un consommateur un peu averti ne comprend plus rien ! Mais en outre, en accordant des dommages et intérêts record (1 million d’euros !) à deux associations de consommateurs parties prenantes au procès, les juges ont souligné l’importance de leur rôle dans la défense des épargnants, au nom de l’intérêt général. Dans ce dossier en particulier, Que Choisir avait lancé l’alerte en 2011, en soulevant que la filiale de BNP Paribas avait réalisé une opération de spéculation sur le dos des consommateurs ! L’UFC-Que Choisir avait saisi le TGI de Paris dès 2013, dans le cadre d’une intervention volontaire, avant de se porter partie civile dans le procès pénal en 2015. L’association perçoit aujourd’hui 1 million d’euros de dommages et intérêts au titre de la défense de l’intérêt collectif des consommateurs.
Élisa Oudin