Escroquerie : les virements faramineux n’ont pas alerté la banque
Une cliente du LCL a passé quatre virements sur quatre jours consécutifs pour un montant total de 128 000 € sur le compte d’un escroc, dissimulé derrière une société bidon établie en Hongrie. Sans que cela n’alerte la banque !
« Je ne m’en souviens plus très bien, ça ne sert à rien d’y penser puisqu’il n’y a plus rien à faire ! » Odile L. ne tient pas à ce que la conversation téléphonique se prolonge trop. Âgée de 77 ans, elle vit dans les beaux quartiers de Paris. Il est vrai que le choc a été violent : un escroc a réussi à lui soutirer en douceur un total de 128 000 €, le montant exact figurant au crédit de son compte. Quatre virements successifs de respectivement 40 000, 45 000, 38 000 et 5 000 €. Sans que cela n’alerte sa banque, le LCL.
C’est la fille d’Odile L., Flore B., qui a récemment informé Que Choisir de cette incroyable escroquerie. Elle est cotitulaire du compte qui a été asséché. Les faits remontent au début de cette année. La vieille dame reçoit un coup de fil d’un homme qui se prétend magistrat français exerçant à l’étranger. Il lui enjoint de régler sans délai une dette. Difficile d’en savoir plus : Odile L. reste floue lorsqu’on lui demande de décrire précisément la manière dont il s’y est pris pour la piéger. Par pudeur, ou tout simplement parce qu’elle n’est maintenant plus aussi vive qu’avant. Toujours est-il que l’escroc la convainc de passer les virements au bénéfice d’une société basée en Hongrie, Asteria Trade. « Mais comment le LCL n’a-t-il pas réagi, s’étrangle Flore B. ? Si quatre virements de plusieurs milliers d’euros émis en quatre jours vers un compte étranger ça n’alerte pas une banque, que faut-il faire ? C’est intolérable et inquiétant pour les consommateurs. » Une plainte a été déposée au commissariat du VIIIe arrondissement. Mais pour l’instant elle ne semble pas suivie.
Le LCL reste inflexible
En parallèle, Flore B. s’est démenée pour pointer le défaut de surveillance du LCL. Elle a invoqué la jurisprudence qui reconnaît une faute de la banque dans des cas comparables. Elle a trouvé un récent rapport de Tracfin (organisme qui lutte contre les transferts d’argent sale) mettant en garde les banques : « Les principaux vecteurs de blanchiment des fonds bancarisés issus des escroqueries et de la fraude sont des sociétés éphémères souvent immatriculées dans les pays de l’Est. » Mais le LCL reste inflexible : il estime qu’aucune faute ne peut lui être reprochée, ce qu’a confirmé le médiateur de la banque saisi de ce dossier. Flore B. n’a alors eu d’autre choix que de porter l’affaire en justice. La procédure est en cours. « La difficulté pour une banque, explique à Que Choisir une porte-parole du LCL, c’est de concilier la liberté que chacun a sur la gestion de son argent et la protection que nous lui devons. Dans le dossier évoqué, nous sommes tenus au secret professionnel. Je peux seulement vous assurer que l’agence a fait le job. Elle ne pouvait pas se douter que ces quatre virements effectués au guichet par la cliente étaient le fruit d’une manipulation. » Et le LCL de prévenir : « Soyez prudent. Dans ce dossier, il y a un contexte qui suscite des interrogations. » L’auteur de l’escroquerie semblait effectivement bien informé. Était-ce un proche de la victime, avait-il réussi à avoir accès d’une manière ou d’une autre à son compte, s’agissait-il d’un employé de la banque ? Quelle que soit la réponse, il y a de toute façon comme un gros doute sur la manière dont le LCL surveille et « protège » les comptes de ses clients.
Arnaud de Blauwe